18

En rentrant à Ystad au volant de sa voiture, Wallander décida de se rendre le jour même à Hässleholm pour voir le policier en retraite Hugo Sandin. Quand il avait répondu au téléphone pour entendre Nyberg lui annoncer qu’il avait déposé les sept photos développées sur son bureau, il avait tout d’abord ressenti un intense soulagement : le meurtrier de Wetterstedt et de Carlman n’avait pas frappé à nouveau. Puis, après avoir quitté Smedstorp, il s’était dit qu’il devrait mieux contrôler ses réactions. Il n’était pas certain que cet homme eût d’autres victimes sur sa liste invisible. Il ne fallait surtout pas se laisser dominer par une peur qui ne faisait que semer le désordre dans sa tête. Comme ses collègues, il devait poursuivre son travail d’enquête comme si tout ce qui devait arriver était déjà arrivé et qu’il ne se passerait plus rien. Sinon, ils finiraient par consacrer tout leur temps à une attente stérile.

Il alla droit à son bureau et écrivit un compte rendu de sa conversation avec Sven Andersson. Il tenta de contacter Martinsson, en vain. Ebba savait seulement qu’il avait quitté le commissariat sans dire où il allait. Wallander essaya de le joindre sur son téléphone portable sans succès. Que Martinsson se rende aussi souvent injoignable l’énerva profondément. À la prochaine réunion de travail, il allait donner des consignes pour que tout le monde puisse être contacté en permanence. Puis il se souvint des photographies que Nyberg avait laissées sur son bureau. Sans y faire attention, il avait posé son carnet sur l’enveloppe des photos. Il les sortit, alluma la lampe et les regarda, l’une après l’autre. Il fut déçu, sans pouvoir dire exactement ce qu’il espérait. Les photos ne représentaient rien d’autre que la vue depuis la maison de Wetterstedt. On les avait prises du premier étage. On pouvait apercevoir le bateau retourné de Lindgren, et la mer calme. Personne sur les photos. La plage était déserte. De plus, deux des clichés étaient flous. Il les posa devant lui en se demandant pourquoi Wetterstedt les avait prises. Si toutefois c’était lui qui les avait prises. Il prit une loupe dans un des tiroirs de son bureau. Il n’arrivait toujours pas à voir quoi que ce soit d’intéressant dans ces photos. Il les remit dans l’enveloppe : il demanderait à un autre membre de la brigade criminelle de les regarder pour être certain que rien ne lui avait échappé. Il allait téléphoner à Hässleholm quand une secrétaire frappa à la porte et vint déposer une télécopie de Hans Vikander, de Stockholm. C’était un compte rendu en cinq pages denses de l’entretien qu’il avait eu avec la mère de Wetterstedt. Il le parcourut rapidement : rédigé avec soin, mais sans aucune imagination. Pas une seule question imprévisible. L’expérience avait appris à Wallander que, dans le cadre d’une enquête sur un crime, un interrogatoire ou un entretien devait comporter autant de questions de base que de moments de surprise. En même temps, il savait qu’il était injuste envers Hans Vikander. Aucune chance qu’une dame de quatre-vingt-quatorze ans dise quelque chose d’inattendu de son fils, qu’elle ne voyait presque jamais et avec lequel elle n’avait que de brèves conversations téléphoniques. Il alla chercher un café et pensa distraitement à la femme pasteur de Smedstorp. De retour dans son bureau, il composa le numéro de Hässleholm. Un homme jeune lui répondit. Wallander se présenta et expliqua la raison de son appel. Il se passa ensuite plusieurs minutes avant que Hugo Sandin arrive au téléphone. D’une voix claire et décidée, celui-ci déclara qu’il était prêt à rencontrer Wallander le jour même. Wallander prit son carnet et nota le trajet. Il quitta le commissariat à quinze heures trente et fit une pause sur la route pour manger. Il était plus de seize heures trente quand il arriva près du moulin rénové où une pancarte indiquait une poterie. Un vieil homme arrachait des mauvaises herbes devant la maison. Quand Wallander descendit de la voiture, il s’essuya les mains et vint à sa rencontre. Wallander avait du mal à croire que cet homme sportif qui venait à sa rencontre avait plus de quatre-vingts ans. L’idée que Hugo Sandin et son père puissent avoir le même âge était difficile à admettre.

— C’est rare que j’aie de la visite, dit Hugo Sandin. Tous mes vieux amis ont disparu. J’ai encore un collègue de la criminelle en vie. Mais il est dans un centre de soins à côté de Stockholm et il ne se souvient plus de rien qui se soit passé après 1960. Devenir vieux, c’est vraiment de la merde.

Wallander se dit que Hugo Sandin employait les mêmes mots qu’Ebba. Et là aussi, il y avait une différence avec son propre père, qui se plaignait rarement, voire jamais, de sa vieillesse.

Dans un vieux hangar transformé en local d’exposition pour les poteries, il vit une table avec une Thermos et des tasses. Wallander se dit que la politesse exigeait qu’il passe quelques minutes à admirer les pièces exposées. Hugo Sandin s’assit et servit du café.

— Tu es bien le premier policier à s’intéresser à la poterie, dit-il avec ironie.

Wallander s’assit à la table.

— En fait, je ne suis pas si intéressé que ça, avoua-t-il.

— En général, les policiers aiment bien la pêche, dit Hugo Sandin. Dans des lacs de montagne solitaires et reculés. Ou tout au fond des forêts de Småland.

— Je l’ignorais. Je ne vais jamais à la pêche.

Sandin le regarda avec attention.

— Qu’est-ce que tu fais quand tu ne travailles pas ?

— En fait, j’ai beaucoup de mal à me déconnecter.

Sandin hocha la tête, approbateur.

— Etre policier, c’est une vocation. Comme la médecine. On est toujours en service. Qu’on soit en uniforme ou non.

Wallander décida de ne pas argumenter, même s’il n’était pas du tout d’accord avec Hugo Sandin pour dire que le métier de policier était une vocation. Il l’avait cru. Mais il ne le croyait plus. Ou du moins il en doutait.

— Raconte, lui intima Sandin. J’ai lu dans les journaux ce que vous êtes en train de faire à Ystad. Raconte-moi ce qu’on ne trouve pas dans les journaux.

Wallander lui fit un rapport des circonstances entourant les deux meurtres. Hugo Sandin glissait une question par-ci par-là, toujours à propos.

— En d’autres termes, il est probable qu’il puisse tuer à nouveau, dit-il quand Wallander eut fini.

— Nous ne pouvons pas l’exclure.

Hugo Sandin repoussa un peu la chaise de la table pour pouvoir allonger ses jambes.

— Et maintenant tu veux que je te parle de Gustaf Wetterstedt. Je le ferai avec plaisir. Mais comment as-tu appris que je me suis intéressé à lui en particulier, et de très près ?

— C’est un journaliste d’Ystad, malheureusement alcoolique au dernier degré, qui me l’a raconté. Il s’appelle Lars Magnusson.

— Ce nom ne me dit rien.

— Quoi qu’il en soit, c’est lui qui m’a parlé de toi.

Hugo Sandin resta silencieux un moment, se passant le doigt sur les lèvres. Wallander sentit qu’il cherchait par où commencer.

— La vérité sur Gustaf Wetterstedt est assez simple à exposer, dit Hugo Sandin. C’était un escroc. En tant que ministre de la Justice, il était sans, doute compétent d’un point de vue purement formel. Mais il n’était pas celui qu’il fallait.

— Pourquoi ?

— Son activité politique était plus axée sur la réussite de sa carrière personnelle que sur le bien du pays. C’est la plus mauvaise note qu’on puisse donner à un ministre.

— Pourtant, il avait été pressenti comme secrétaire du parti ?

Hugo fit un geste énergique de dénégation.

— C’est faux. Ça, c’étaient des supputations des journaux. Au sein du parti, il était évident qu’il ne serait jamais le chef. La question est même de savoir s’il était membre du parti.

— Mais il a quand même été ministre de la Justice pendant plusieurs années. Il n’a pas pu être complètement nul.

— Tu es trop jeune pour te souvenir. Mais quelque part dans les années cinquante, il y a une ligne de démarcation. Invisible, mais bien réelle. La Suède avait alors le vent en poupe. On disposait de ressources illimitées pour éradiquer les derniers restes de pauvreté. Il y a eu au même moment un mouvement invisible dans la vie politique. Les politiciens sont devenus des gens de métier. Des carriéristes. Avant, l’idéalisme était un élément important dans la vie politique. Cet idéalisme commençait à l’époque à décliner. Des gens comme Gustaf Wetterstedt surgissaient. Les sections de jeunesse des partis politiques sont devenues des viviers pour les politiciens de l’avenir.

— Parlons des scandales qui l’entouraient, dit Wallander, qui craignait que Hugo Sandin ne se perde dans des souvenirs politiques passionnés.

— Il allait voir des prostituées, dit Hugo Sandin. Bien sûr, il n’était pas le seul. Mais il avait des goûts spéciaux qu’il imposait aux filles.

— J’ai entendu parler d’une fille qui a porté plainte.

— Elle s’appelait Karin Bengtsson. Elle venait d’un milieu défavorisé à Eksjö. Elle avait fait une fugue et était partie pour Stockholm, et elle apparaît dans les registres de la brigade des mœurs pour la première fois en 1954. Quelques années plus tard, elle est tombée dans le groupe où Wetterstedt choisissait ses filles. En janvier 1957, elle a porté plainte contre lui. Il lui avait tailladé les pieds à coups de lame de rasoir. Je l’ai vue à l’époque. Elle arrivait à peine à tenir sur ses jambes. Wetterstedt s’est rendu compte qu’il était allé trop loin. La déposition a disparu, on a acheté le silence de Karin Bengtsson. On lui a donné de l’argent pour acquérir un magasin de prêt-à-porter bien situé à Västerås. En 1959, de l’argent est à nouveau apparu sur son compte, ce qui lui a permis d’acheter un pavillon. À partir de 1960, elle allait tous les ans à Majorque.

— Qui lui donnait cet argent ?

— Il y avait déjà à l’époque ce qu’on appelle des fonds occultes. La cour suédoise avait montré l’exemple en achetant des gens qui avaient été trop intimes avec le roi.

— Karin Bengtsson est encore en vie ?

— Elle est morte en mai 1984. Elle est restée célibataire. Je ne l’ai plus vue après son installation à Västerås. Mais elle me téléphonait parfois. Jusqu’à l’année de sa mort. La plupart du temps, elle était ivre.

— Pourquoi est-ce qu’elle t’appelait ?

— Quand j’ai appris qu’une prostituée voulait déposer une plainte contre Wetterstedt, j’ai pris contact avec elle. Je désirais l’aider. Sa vie avait été détruite. Il ne lui restait plus grand-chose de sa foi en elle-même.

— Comment t’es-tu retrouvé aussi impliqué ?

— J’ai été choqué. Je devais être assez engagé à l’époque. Trop de policiers acceptaient l’injustice. Moi non. Autant à l’époque que maintenant.

— Que s’est-il passé après ? Quand Karin Bengtsson est partie.

— Wetterstedt a continué comme avant, il a tailladé beaucoup de filles. Mais personne n’a plus jamais porté plainte. Par contre, au moins deux filles ont disparu.

— Qu’est-ce que tu veux dire ?

Hugo Sandin regarda Wallander avec étonnement.

— Je veux dire qu’elles ont disparu. On n’a plus jamais entendu parler d’elles. On a donné leur signalement, on a lancé des avis de recherche. Mais elles ont disparu.

— Que s’était-il passé, à ton avis ?

— Mon avis, c’est qu’elles ont certainement été tuées. Plongées dans la chaux vive, jetées à la mer. Qu’est-ce que j’en sais ?

Wallander avait du mal à en croire ses oreilles.

— C’est vrai, ça ? bredouilla-t-il. Ça semble pour le moins incroyable.

— Qu’est-ce qu’on dit d’habitude ? Incroyable mais vrai ?

— Wetterstedt aurait commis des meurtres ?

Hugo Sandin secoua la tête.

— Je ne dis pas qu’il l’ait fait personnellement. Je suis même persuadé que ce n’est pas lui qui les a commis. Ce qui s’est passé exactement, je n’en sais rien. Et on n’arrivera jamais à le savoir. Il n’empêche qu’on peut conclure. Même s’il manque les preuves.

— J’ai du mal à le croire, dit Wallander.

— Bien sûr que c’est vrai, dit Hugo Sandin d’un ton décidé, comme s’il ne supportait pas la moindre contradiction. Wetterstedt n’avait aucune conscience. Mais rien n’a jamais pu être prouvé.

— Il y a eu beaucoup de rumeurs à son sujet.

— Elles étaient toutes fondées. Wetterstedt utilisait son pouvoir et sa situation pour satisfaire ses désirs sexuels pervers. Mais il était aussi mêlé à des affaires qui l’enrichissaient dans le plus grand secret.

— De la vente d’œuvres d’art ?

— Des vols d’œuvres d’art, plutôt. Pendant mes loisirs, j’ai dépensé pas mal d’énergie à essayer de tirer au clair toutes les imbrications de ces affaires. Je devais rêver de pouvoir balancer sur le bureau du procureur un dossier suffisamment étayé pour que Wetterstedt soit tout d’abord obligé de démissionner et pour qu’il ait ensuite droit à une bonne peine de prison. Malheureusement, je n’ai jamais pu aller aussi loin.

— Tu dois avoir un grand nombre de documents de l’époque ?

— J’ai tout brûlé il y a quelques années. Dans le four de mon fils. Ça devait bien faire dix kilos de papier.

Wallander jura intérieurement. Il n’avait pas prévu cette possibilité, que Hugo Sandin se soit débarrassé de tous ces documents qu’il avait eu tant de peine à rassembler.

— J’ai encore une bonne mémoire, dit Sandin. Je pense que je me souviens de tout ce que j’ai brûlé.

— Arne Carlman ? dit Wallander. Qui était-ce ?

— Un type qui a poussé le colportage d’œuvres d’art à un niveau supérieur.

— Au printemps 1969, il était en prison à Långholmen. Nous avons reçu une information anonyme selon laquelle il serait entré en contact avec Wetterstedt à l’époque. Ils se seraient rencontrés après sa sortie de prison.

— Le nom de Carlman apparaissait de temps en temps dans diverses enquêtes. Je crois qu’il s’est retrouvé en prison pour un truc aussi bête que des chèques en bois.

— As-tu trouvé des liens entre lui et Wetterstedt ?

— Selon certaines informations, ils se seraient rencontrés dès la fin des années cinquante. Apparemment, ils avaient une passion commune pour les courses de chevaux. Leurs noms sont apparus en liaison avec une descente de police sur la piste de trot de Täby. On a barré le nom de Wetterstedt : il était inutile d’informer le public qu’un ministre de la Justice faisait des paris sur un champ de courses.

— Qu’est-ce qu’ils faisaient ensemble ?

— Rien qui soit identifiable. Ils gravitaient comme des planètes sur des trajectoires séparées et se rencontraient de temps en temps.

— J’ai besoin de ce lien entre eux. Je suis persuadé qu’il faut le trouver pour identifier celui qui les a assassinés.

— En général, quand on creuse suffisamment profond, on trouve ce qu’on cherche.

Le téléphone portable que Wallander avait posé sur la table se mit à sonner. La peur tapie resurgit aussitôt.

Mais il se trompait. Cette fois encore. C’était Hansson.

— Je voulais seulement savoir si tu comptais repasser par ici aujourd’hui. Sinon, on fait une réunion demain matin.

— Quelque chose de nouveau ?

— Rien d’important. Tout le monde est plongé dans son travail.

— À huit heures, demain matin. On arrête pour ce soir.

— Svedberg est allé à l’hôpital pour faire soigner ses brûlures, dit Hansson.

— Il devrait faire plus attention, répondit Wallander. C’est la même chose tous les ans.

Il raccrocha et reposa le téléphone sur la table.

— On a beaucoup écrit sur toi, dit Hugo Sandin. Il semble que par moments tu aies suivi ta propre voie.

— La plupart des choses qu’on écrit sont fausses, répondit Wallander en esquivant le sujet.

— Je me demande souvent quel effet ça fait d’être policier de nos jours.

— Moi aussi.

Ils se levèrent et se dirigèrent vers la voiture de Wallander. C’était une très belle soirée.

— Qui peut avoir tué Wetterstedt selon toi ? dit Wallander.

— Ça peut être pas mal de gens, répondit Hugo Sandin.

Wallander s’arrêta sur les marches.

— Peut-être pensons-nous de travers. Peut-être faudrait-il séparer les enquêtes. Ne pas chercher de dénominateur commun. Mais chercher deux solutions distinctes. Pour trouver le lien.

— Les meurtres ont été commis par la même personne, dit Hugo Sandin. Donc les enquêtes doivent être liées. Sinon j’ai peur que vous ne vous égariez sur de fausses pistes.

Wallander hocha la tête. Mais il ne dit rien. Ils se saluèrent.

— Donne de tes nouvelles, dit Hugo Sandin. J’ai tout mon temps. Le vieillissement, c’est la solitude. Une attente de l’inévitable, sans aucun réconfort.

— T’est-il arrivé de regretter d’être devenu policier ?

— Jamais. Pourquoi l’aurais-je regretté ?

— Je me demandais seulement. Merci de m’avoir consacré du temps.

— Vous l’aurez, dit Hugo Sandin, d’un ton rassurant. Même si ça doit prendre un moment.

Wallander hocha la tête et s’assit dans la voiture. En partant, il put voir dans le rétroviseur que Hugo Sandin reprenait l’arrachage des mauvaises herbes.

 

Wallander arriva ce soir-là à Ystad vers huit heures moins le quart. Il gara sa voiture devant chez lui. Il allait entrer dans l’immeuble quand il se souvint qu’il n’avait rien à manger à la maison.

Au même instant, il se rendit compte qu’il avait oublié de déposer sa voiture au centre de contrôle technique.

Il jura tout haut.

Puis il se rendit dans le centre-ville et alla dîner dans le restaurant chinois à côté du marché. Il était le seul client. Après le dîner, il fit une promenade jusqu’au port et se promena sur le quai. Tout en regardant les bateaux qui tanguaient doucement, il repensa aux deux conversations qu’il avait eues dans la journée.

Une fille nommée Dolores Maria Santana s’était retrouvée à faire du stop à la sortie de Helsingborg un soir. Elle ne parlait pas suédois, elle avait peur des voitures qui les dépassaient. Tout ce qu’ils étaient arrivés à établir jusqu’à présent, c’était qu’elle était née en République dominicaine.

Pourquoi et comment était-elle venue en Suède ? Qu’est-ce qu’elle fuyait ? Pourquoi s’était-elle suicidée par le feu dans le champ de Salomonsson ?

Il continua à marcher sur le quai.

Il y avait une fête sur un voilier. Quelqu’un leva un verre à la santé de Wallander. Il répondit en mettant sa main en forme de verre.

Au bout du quai, il s’assit sur une bitte d’amarrage et repassa dans sa tête la conversation avec Hugo Sandin. Tout ça était un sacré embrouillamini. Il ne voyait pas d’ouvertures, pas d’indices qui puissent les mener à un début de solution.

En même temps, la peur était toujours là. La peur que ça se reproduise.

Il était bientôt vingt et une heures. Il lança une poignée de gravier dans l’eau et se leva. La fête suivait son cours sur le voilier. Il rentra par le centre-ville. Son tas de linge sale était toujours par terre. Il écrivit un mot qu’il posa sur la table de la cuisine. Le contrôle de la voiture, bordel. Puis il alluma la télévision et se coucha sur le canapé.

À vingt-deux heures, il appela Baiba. Sa voix était très distincte et semblait très proche.

— Tu as l’air fatigué, dit-elle. Tu as beaucoup de travail ?

— Pas trop. Mais tu me manques.

Il l’entendit rire.

— Mais on se voit bientôt, dit-elle.

— Qu’es-tu allée faire à Tallinn, vraiment ?

Elle rit à nouveau.

— J’ai rencontré un autre homme. Qu’est-ce que tu crois ?

— Ça, exactement.

— Tu as besoin de dormir. Cela paraît évident, même depuis Riga. J’ai cru comprendre que ça marche bien pour la Suède dans la Coupe du monde.

— Le sport t’intéresse ? demanda Wallander avec étonnement.

— Parfois. Quand la Lettonie joue.

— Ici, les gens sont comme fous.

— Mais pas toi ?

— Je promets de m’améliorer. Quand la Suède jouera contre le Brésil, je vais essayer de rester éveillé pour regarder ça.

Il l’entendit rire.

Il avait envie de dire quelque chose de plus. Mais rien ne lui vint. Après avoir raccroché, il retourna devant la télévision. Il tenta un moment de suivre le film. Puis il éteignit et alla se coucher.

Avant de s’endormir, il pensa à son père.

Cet automne, ils partiraient pour l’Italie.

Le guerrier solitaire
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